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Page:NRF 8.djvu/149

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CHRONIQUE DE CAERDAL I43

Et, après une jeunesse comble de batailles et d'actions, six ans passés avec son roi à la Croisade; après un âge fort qui semble n'avoir jamais fini, occupé à régir sa gent et à la défendre, à bâtir sur sa terre, à gouverner ses labours ; toujours prêt à la guerre, et dans la paix à visiter ses parents et ses amis, rendant ses devoirs aux princes dans leurs résidences royales, à Notre-Dame et aux saints dans les lieux de pèlerinage, Joinville est encore plus beau en son grand âge.

Quel vieillard c'est là ! Il a plus de nonante et un ans, qu'il veut marcher avec Louis le Hutin contre les bourgeois des Flandres. Quel vieux chêne blond ! Que sa majesté est innocente. J'en suis sûr : ses yeux à cent ans sont purs comme ceux des enfants ne le sont plus. 11 est auguste comme un champ de blé, tout en épis, sur la pente d'une colline du Bassigny labourée jusqu'au faîte. C'est son coteau de Joinville, qui trempe dans la Marne, vignes, froment, bétail et prairie, tout ce qu'il faut pour être de France et de Champagne, ce terroir incomparable en églises, en architectes et en hommes d'esprit. Car Joinville est un bon Bragard de Marne, tout sévère qu'il soit aussi, et pieux et incorruptible. 11 aime trop son cru, il tient de trop près à sa terre pour que je l'en sépare. Pays à fortune changeante, heureux ici, et là déjà âpre, mais non ingrat, qui doit presque tout à l'homme, où il faut prendre de la peine ; sinon,

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