Aller au contenu

Page:NRF 8.djvu/148

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

142 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

une familiarité exquise qui ne fait pas tort d'une ligne à l'humble soumission de l'homme lige envers son suzerain : tout est égal dans Joinville, la mesure et la vigueur, la verdeur et la délicatesse du sentiment. Dans les passions ni dans les actes, dans le jugement ni dans le cœur, jamais une faute de goût. Son intime liaison avec saint Louis, les grandit l'un par l'autre : l'amitié n'ôte rien à la majesté du rang dans le souverain, et dans le vassal rien à la loyauté du caractère.

Sénéchal de Champagne, allié aux plus nobles maisons de France, Joinville n'était pas un petit seigneur. Il avait sept ou huit ans de moins que saint Louis, et il lui a survécu près d'un demi siècle. Ils furent amis de bonne heure : Saint Louis frêle, toujours malade, toujours rêveur; et Join- ville, de corps puissant, infatigable, une santé à braver tous les maux et à vivre un siècle, comme il a vécu ; saint Louis sobre plus qu'un moine, d'une extrême sévérité en tous ses devoirs, fort singulier d'ailleurs, et fort divers, comme disait de lui la reine Marguerite, sa femme ; Joinville, tout acte et tout direct, profondément chrétien et nullement moine, riche de vie et d'amour pour ce monde ci en attendant l'autre, grand mangeur et fort buveur : grosse tête et ^^ froide fourcelle ", raison nette et panse froide, il avoue qu'il ne peut s'enivrer : terrien qui porte sans roulis toute la toile de Champagne.

�� �