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LA CONQUE d'or 9

mail de platanes fait le tour, une belle rivière lente qui vient de loin, et je ressens une torpeur odorante et légère, comme d'une sieste dans le foin...

D'Albi, où je n'ai fait non plus que passer, je ne devrais, selon le proverbe, retenir que le Colosse de brique rose exhaussant au loin sur la campagne et la ville sa léonine stature. D'autres beautés m'y ont d'abord captivé, par exemple la vieille église Saint-Salvi, où l'on accède par une terrasse à balustres. Nulle symétrie, nulle proportion ; par- tout le roman s'y transpose en gothique. Mais un air singulier d'abandon et de grandeur domine, et compose l'ensemble. La pierre et la brique se suc- cèdent par places écorchées, dans les tons les plus heureux. Cela se dégrade, mais avec une noblesse incomparable, et des nuances dont le prix est purement intérieur. C'est un charme qui vient de l'âme, et qui y retourne par des chemins sinueux et cachés. C'est une de ces beautés qui ne craignent point de trahir leur défaillance, et dont tout le secret découle de l'indifférence qu'elles mettent à ne le point dérober. Puis, la nef, les bas-côtés, le choeur, ont une élégance, un élancement, une fer- meté qui surprennent, après le délabrement du dehors. Tout est d'une distinction suprême, et l'on peut s'y recueillir et prier.

C'est à quoi précisément Sainte-Cécile ne permet aucun accès. Un mystique prétendrait à bon droit qu'elle manque à ses fins, qui sont, pour une

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