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8 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

qui se compose en beauté. Si celui-là n'a rien à m'apprendre, s'il n'entre pas, comme certains autres à qui je réserve toute ma prédilection, dans ma formation spirituelle, du moins il m'en- chante, et j'y voudrais rêver longuement, sans trop m'abandonner à ce qu'entraîne de mélancolique et de voluptueux une telle disposition de l'âme. C'est sans doute que je ne puis l'embrasser dans toute sa rigueur géométrique. L'hiver, peut-être, quand les grands arbres qui l'occupent sont dépouillés, pourrais-je le surprendre réduit à l'état de pensée pure. Aujourd'hui, je ne discerne qu'un seul côté d'arceaux jouant entre des marronniers et des platanes qu'octobre n'a pas encore touchés. Si l'amitié la plus douce et la plus impérieuse ne venait m 'arracher à ma jouissance, j'aurais plaisir à m'attarder. L'air léger qui poudroie, un silence presque sensible, une procession de colonnettes qui flotte, couronnée d'un feston de feuillages, et, par- dessus tout, cette surnaturelle teinte rose qui semble, au lieu de s'absorber dans la pierre, en exsuder, et la rendre tiède au regard, forment un de ces concerts intimes dont les parties sans cesse interposées et changeantes s'accordent pour se résoudre en une divine langueur de vivre. J'ai goûté ce cloître comme un fruit mûr, qui fond trop vite. Cela doit tenir à la hâte du voyage, et à la chaude journée qu'il faisait. Moissac ! Je revois une petite ville étalée au soleil, et dont un grand

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