CHRONIQUE DE CAERDAL I45
en tombant, criant à Mahom. Tous ses chevaux, il les connaît par leur nom, à quel âge il les a montés, de quel élevage, où poulains ils furent, et où ils périrent, de vieillesse au vert ou de la lance en la bataille. Chacun de ses compagnons, hommes d'armes, sergents ou chevaliers, ses voisins de Champagne, ou ses alliés de Lorraine et de Bourgogne, sires et valets, il en sait l'origine, la figure, les actions, la famille, quelles tenures, quels fiefs, combien de bœufs, combien de charrues, tant de journées en vignes, et tant en froment.
O l'homme foncier, le vaillant seigneur, sage, ardent, vif à rire et à pleurer, exact sur la terre et proche du ciel, en son fort esprit qui tient beaucoup et qui doute peu, accompli en toute prud'homie, honneur d'un temps et d'une race. Et sa pudeur à parler du mal en est le signe : toute forfaiture l'indigne ; mais il garde le silence là dessus, et il ne veut pas nommer ceux qu'il méprise. 11 y avait aussi des lâches, en ce temps là. ^ Joinville omet leurs noms dans sa Chronique.
A l'égal de Saint Louis, Joinville sent bien qu'il est de France : quel abîme déjà entre ces chrétiens là et tous les autres. Ils ont été un peu partout, et partout ils régnent : car en dépit de l'avarice
' Comme il le dit, les plus farauds n'étaient pas les plus braves. A la bataille de la Massoure, " // y eut moût de gens, et de grand hobant, qui s'en 'vinrent moût honteusement fuiant, et s'enfuirent effrée- ment ,• et onques n'en pûmes arrêter aucun delez nous : dont j'en nom- merais bien desquels je me priverai ; car mort sont." Joinville, 164 D.
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