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��NOTES

��DES BALLETS RUSSES ET DE FOKINE.

Bien des gens n'ont pas encore compris que ce qu'il fallait admirer dans les ballets russes, c'était la danse. Et comment leur en tenir rigueur quand on voit cette vérité, pourtant évi- dente, méconnue par Nijinski lui-même ? On a adressé à la troupe russe tous les éloges excepté ceux qu'elle méritait, ceux que Fokine certainement tenait à recevoir. On a parlé à tort et à travers de couleur, de barbarie, d'orientalisme, on a loué la musique de Stravinski (on ne saurait la mettre assez haut), on a déclaré que Bakst était un grand génie. Mais on ne s'est pas résigné à admirer ce que ces spectacles avaient d'unique, ce qui les rendait différents non pas en qualité, mais en nature de tous ceux qu'il nous avait été donné de voir jusqu'ici. Le public n'a pas consenti à éprouver une émotion nouvelle, à se mettre dans une disposition ingénue. Il semble avoir assisté, dans un état de cécité miraculeuse, à la prodigieuse nouveauté qui se déployait sous ses yeux. C'est que rien en général ne l'effraie davantage que de se risquer en un sentiment qu'il ne connaît pas et pour lequel il n'a pas encore de mots.

Parce que certains déjà, pour ne leur avoir pas demandé ce qu'ils avaient à livrer d'essentiel, accusent les ballets russes de les avoir déçus, il importe que nous précisions ici quel est l'élément solide de ces œuvres, ce qu'elles contiennent d'inac- cessible à la mode, d'éternel. Leur richesse seule empêche de voir leur originalité. Rendons-les pauvres en imagination, supprimons tous leurs ornements : nous montrerons ensuite en

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