Aller au contenu

Page:NRF 8.djvu/187

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

NOTES I 8 I

Cadavre vivant, était bien de la même main que La Puissance des Ténèbres.

Peut-être cette condamnation des Posthumes de Tolstoï — ou, plutôt de leur publication — paraîtra-t-elle un peu som- maire et nous objectera-t-on le jugement de M. de Wj-zewa prononçant, à propos du Père Serge, le nom de Dostoïevski et déclarant " à la fois troublante et superbe " la pièce intitulée : La lumière luit dans les ténèbres. L'avouerai-je ? Cette double appréciation me confond venant d'un critique aussi averti et aussi délié que M. de Wyzewa.

Parlons d'abord du Père Serge. C'est la psychologie d'un religieux. Et si M. de Wyzewa a simplement voulu dire qu'un pareil sujet était de nature à séduire Dostoïevski, je suis d'accord avec lui. Dans la préface des Frères Karamazov — non traduite en français, naturellement — Dostoïevski confesse sa prédilec- tion pour les tchoudaks, c'est-à-dire les originaux, les excentriques, les " phénomènes ". Tchoudak, Raskolnikov ; tchoudak, le prince Muichkine ; tchoudaks, des religieux comme Aliocha et le père Zossima ; tchoudak, évidemment, le Père Serge de Tolstoï. — Mais si M. de Wyzewa a voulu dire — et c'est là certainement sa pensée — que la manière du Père Serge rappelle celle des Possédés, de l'Idiot et des Frères Karamazov, oh ! alors je proteste et je prie simplement qu'on ouvre le livre troisième de la deuxième partie des Frères Karamazov, celui qui est inti- tulé : Le moine russe. Ici, le centre de gravité artistique est dans le dialogue ou le monologue ; là, dans la narration. Ici l'instru- ment d'analyse pénètre jusque dans les régions de la spiritualité la plus extrême ; il atteint jusqu'à ces états de conscience pure que William James a décrits dans ses Varieties ofreligious expé- rience ; là, il s'arrête au point de jonction et de lutte du corps et de l'âme, de la chair et de l'esprit. Ici l'accent chrétien (Voyez, par exemple, aux pages 202 et 203 de la traduction Bienstock des Frères Karamazov le récit qui commence par ces lignes : " Il faisait une nuit claire, silencieuse et tiède, une nuit

�� �