Page:NRF 8.djvu/188

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

l82 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

de juillet ; des vapeurs s'élevaient sur le large fleuve et, par instant, on entendait le clapotis d'un poisson qui sautait. Tout était calme et magnifique ; tout priait Dieu, etc.. etc.") ; et là, en définitive, l'accent païen (Voyez Le Père Serge, tTSid. Bienstock, p. 57: "C'était une merveilleuse soirée de mai; les feuilles venaient d'éclore sur les bouleaux, les trembles, les ormes, les merisiers, les chênes ; les buissons des merisiers étaient tout en fleurs et les pétales ne se détachaient pas encore... Le soleil se couchait derrière la forêt, semant ses rayons brisés à travers le feuillage... Les scarabées volaient, se heurtaient aux arbres et tombaient.)." Où M. de Wyzewa voit des ressemblances je ne discerne que des différences, et des différences qui sont, pour la plupart, à l'avantage de Dostoïevski.

Je ne souscris pas davantage à son opinion sur La lumière qui brille dans les ténèbres. L'ordonnance des scènes, l'allure du dialogue, tout cela a quelque chose de pénible, de gauche, de maladroit. Tout cela paraît être d'un apprenti dramaturge. D'autre part, je ne puis me résoudre à croire que Tolstoï ait pu être dans la vie un personnage aussi ridicule que le bon- homme sous les traits duquel il s'est peint, son Nicolas Ivano- vitch Sarintseff. Bonhomme d'ailleurs tout en surface, sans perspective psychologique. Et je songe à un livre où la person- nalité de Tolstoï est analysée avec une lucidité, pénétrée avec une acuité à mon sens insurpassables. C'est le livre de M. Dmitri Merejkowski : Tolsto'î et Dostoïevski. Livre découra- geant en ce qu'il a épuisé sa matière. Livre cruel, cruel au sens où l'on pourrait le dire des écrits de Dostoïevski, cruel parce que d'une vérité brutale, indiscrète, extrême, cruel à la façon d'un bistouri qui met à nu les chairs et en étale le secret... Ah ! ce portrait qu'il nous propose de Tolstoï, ce portrait qui va jusqu'aux " profondeurs sataniques ", cette image pathétique d'un homme dont la conscience est chrétienne et dont la physiologie et la subconscience sont païennes ! Au regard de son original, ce pauvre maniaque de Nicolas Ivanovitch

�� �