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2IO LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

trente ans imite Walter Scott, et il écrit Notre Dame de Paris. A cinquante ans passés il imite Eugène Sue et écrit Les Misérables. C'est l'imagina- tion qui allume l'imagination. C'est une imitation par l'extérieur ; un mouvement et un décor qu'un romancier suggère à un autre romancier, et où celui-ci met son âme. Toute imitation féconde est une imitation superficielle, l'imitation d'une forme, d'un dehors. Plus un écrivain a de dehors^ et plus il est accessible à cette imitation féconde, plus il rayonne d'une nature généreuse. Racine, qui est le maître de l'intérieur, du dedans, n'a pu être imité que par de froids pasticheurs. Voyez au contraire combien de génies débutants ont pu prendre pied par l'imitation la plus candide, la plus palpable du drame shakespearien, exprimer à travers cette imitation une âme nouvelle : Schiller avec Les Brigands.^ Goethe avec Gœtz de Berlichingen, Hugo avec Cromwell^ Musset avec Lorenzaccio^ Ibsen avec Empereur et Galilèen^ Maeterlinck avec La Princesse Maleine. M. Bourget lui-même, de qui a-t-il appris son métier .? De romanciers à dehors, à technique visible, de Walter Scott et de Balzac. Il est aussi dangereux d'imiter Stendhal que d'imiter Racine, parce que tous deux sont, à des points de vue bien différents, un paradoxe de lim- pidité et de simplicité, parce que l'imitateur voudra ajouter à leur dedans des dehors, les compléter, les enrichir, faire mieux, — et tout sera gâté. La

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