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226 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Le roman qui a pour objet la peinture d'une époque présente cette époque dans sa complexité, de façon à donner une impression de temps mul- tiple, de force inépuisable, d'un rythme de vie sociale qui déborde toute représentation indivi- duelle, toute existence individuelle, et que l'on ne peut réduire au développement d'un organisme individuel sans le défaire et le dénaturer. C'est le roman de Tolstoï. Ce sont aussi Les Misérables. Cet art, M. Bourget ne l'admet pas : "J'ai souvent entendu dire, écrit-il, que l'incohérence d'un livre comme Guerre et Paix reproduisait mer- veilleusement l'incohérence de la vie. Ce sophisme ne résiste pas à la réflexion. La vie n'est in- cohérente que pour les intelligences incapables de démêler les causes. Elle est, au contraire, intimement et profondément logique pour qui sait voir ces causes, et le grand art littéraire consiste à montrer cette nécessité intérieure, l'ordre secret sous l'apparente anarchie des événements. " On reconnaît le dogmatisme intempérant de M. Bourget. Tout est logique par un côté et mystère par un autre. Le romancier qui nous donne le senti- ment du mystère nous amène à un sentiment vrai, tout aussi bien que celui qui nous fait toucher une armature logique. Mais il y a un sentiment du mystère plein et un sentiment du mystère vide. Lorsque Victor Hugo, ayant raconté la bataille de Waterloo, dans Les Misérables, se met à méditer

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