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Page:NRF 8.djvu/231

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RÉFLEXIONS SUR LE ROMAN 225

tion créatrice aussi grande que chez aucun, il reconnaît (et ce n'est pas une nouveauté) " qu'il lui manque une autre qualité, sans laquelle il n'est pas de chef-d'œuvre accompli. Cette qualité, la rhétorique classique la nommait d'un terme bien modeste : la composition. " Et de ce que Tolstoï l'ignore, de ce que Guerre et Paix et Anna Karénine se déroulent sans plan organique, sans ossature, commencement, milieu, ni fin, M. Bourget con- clut " qu'avec toute sa force, Tolstoï n'est encore qu'un génie informe et inachevé ".

(Remarquons que ce qui est vrai de ces deux grands romans, ne l'est pas de la Mort d'Ivan Ilitch ou de Résurrection qui sont bien charpentés).

On touche là à une question d'esthétique très délicate. Un roman qui n'est pas conçu selon un ordre de composition organique, comme une pièce de théâtre, est-il nécessairement inférieur , (Je crois que M. Bourget a tort de comparer Guerre et Paix à Tartuffe et à Hamlet^ puisqu'aucune œuvre dramatique n'a jamais existé sans composition serrée, et qu'il n'en est pas de même du roman). Mais, avant de qualifier, peut-être serait-il d'une bonne méthode de distinguer. 11 me paraît que l'on peut, de ce point de vue, classer les romans en trois espèces, et je les appellerai, faute d'autres noms : le roman brut, qui peint une époque, le roman passif qui déroule une vie, le roman actif qui isole une crise.

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