Page:NRF 8.djvu/256

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

250 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Le premier étage est obscur ; mais à mesure qu'on gravit les autres, la lumière s'accroît, hum- ble et dévouée ; même, là-haut, elle console d'un sourire les murs glacés et le bois disgracié des marches.

Il entre au logis; sa mère est absente, il est seul: son ivresse peut durer, son ivresse peut grandir encore.

Déchargé de sa gibecière, il est tout de suite à la fenêtre grande ouverte et s'accoude, les jambes molles, le front offert au ciel.

Au dessous de lui s'étalent des toits d'ateliers, vastes et plats ; puis une cour, puis d'autres bâti- ments peu élevés ; et, seulement là-bas, se dresse la muraille des hautes maisons, reliée aux murailles latérales; en sorte que l'enfant possède un beau carré de ciel. Mais il y a autre chose : il y a la cheminée de tôle d'un lavoir ; fine, élancée, elle dépasse tout. Un long morceau d'elle, d'un noir profond et de contours purs, est seul avec le ciel si pur.

Certains jours comme celui-ci, l'enfant sent en lui quelque chose d'éperdu qui étouffe et voudrait démesurément grandir. Il ne sait pas nommer son tourment. S'il était dans la campagne, il choisirait le plus haut des arbres; il s'élancerait pour attein- dre la cime et s'éblouirait de vertige, glorieux de ses mains écorchées. Mais c'est un enfant de la ville; il n'est libre que de son rêve. Pour son rêve,

�� �