Page:NRF 8.djvu/27

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

LA CONQUE d'or 21

Bancal aux berges de VAveyron, le trajet du funèbre cortège qui s'en allait jeter à l'eau le cadavre de Fualdès. C'est, d'après sa propre ex- pression, mettre les pas dans les pas. Ce soir, je suis trop las pour en faire autant. Puis, il est jour encore, et les lieux les plus repoussants en seraient tout réjouis. Je ne rencontrerais pas l'épouvante souhaitée. J'aime mieux venir voir tomber le crépuscule, de la terrasse d'où l'on voit le Causse. C'est là cependant qu'ils ont passé, par ce petit sentier en lacets qui dévale presque à pic. C'est là, à deux cents pieds au-dessous de moi, dans le fleuve qui forme, autour d'un groupe de maisons basses, une boucle profonde, que le corps fut jeté, et qu'on le retrouva le lendemain, à peine un peu plus loin, L'Aveyron, à cet endroit, est comme immobile ; une torpeur sinistre semble ralentir son cours. De l'autre côté de la vallée, les flancs ravinés du Causse revêtent une teinte livide. Partout on retrouve cet on ne sait quoi de muet, d'hostile, qui ne se laisse point pénétrer. Quel artiste pourrait ici fleurir : Ce dessèchement, s'il se communique à l'âme, n'y peut pas éveiller le sentiment du sublime, combien moins y faire s'épanouir les tendres et mystérieuses puissances de la beauté. Quel dommage, malgré tout, que Balzac ne soit point venu à Rodez ! Je me l'ima- gine, y passant, gras, court et ramassé, dévorant tout de l'esprit et du regard, et composant aussitôt

�� �