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CHRONIQUE DE CAERDAL 339

ses lignes toujours en équilibre. Il a le sens de la perfection utile, en chacun de ses muscles, et dans le jeu de tous, comme la panthère. Et comme elle, pas un des mouvements n'est sans puissance ou sans grâce, en cet être accompli. Panthère aussi, en ce que son repos semble un glissement insensible, et que ses bonds les plus rapides ont une sorte de langueur : tant ils sont justes, et tant il a de grâce dans la force, qu'il fait croire à sa paresse : comme s'il restait bien en deçà, toujours, de sa puissance.

Sa beauté est pure de toute séduction sexuelle. Je parle pour moi, qui suis homme. De là, l'émo- tion qu'elle donne, participant à la fois de l'art et de la nature. Dans la plus belle femme, on ne peut pourtant pas oublier la femme. Et plus on est sensible au charme féminin, plus le désir s'intrigue à l'admiration. Avec Nijinski, l'admira- tion est sans mélange. L'amour ny est plus pour rien. Ce que je n'aurais pas cru possible, j'admire si pleinement que je n'aime ni ne hais l'objet de mon admiration. 11 me rend si libre, que je le suis même de lui. Peu de sentiments nous porteraient plus haut dans la découverte de la perfection morale.

Cet homme paraît si beau, qu'on ne voit pas son visage. C'est le privilège des plus beaux antiques : on n'a que faire de la tête. Nijinski me donnerait l'émotion de la beauté, quoi qu'il fît : et

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