414 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
c'est à cause que vous me connaissez mal, don
Miguel. Et c'est à cause, aussi, que je suis petite et faible ; je suis certaine que vous me prenez en pitié très
grande, que vous craignez de me casser l'ail-e ou la patte. Mais je vous permets de me parler librement. Je n'ai pas peur de vous. Quelque chose en mon
coeur me dit que je suis votre sœur. Je ne crains pas vos yeux
sur moi. Non, Miguel, je ne crains pas vos yeux sur moi. Je sais bien que vous me regardez quelquefois à
la dérobée comme on regarde un petit animal que l'on vou- drait saisir, et cela me fait toujours rire quand j'y pense. Vous dites que la femme est faible ; tous les
hommes le disent, je crois, car mon père le dit, et l'abbé le dit, et don Fer-
nand. Et les livres le disent aussi. Et la femme est faible en effet, mais comme l'oiseau
des airs et comme la souris des champs : ne l'attrape pas
qui veut ! Et elles savent bien, allez, ce qu'elles font ; et elles
ne se laissent prendre que lorsque Dieu n'est plus dans leur coeur et qu'elles ne valent plus la peine d'être prises.
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