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430 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

visme de laboratoire un grand vide s'en est suivi, un grand vide et une douloureuse incertitude. Maeterlinck n'a-t-il pas trouvé le moyen de nous empêcher d'en souffrir ? N'a-t-il pas, lui aussi, inventé une sorte de religion commode à l'usage de ceux qui n'en ont pas ? Au lieu de tirer des sciences naturelles — les seules disciplines où nous voyions encore des certitudes, — ce nihi- lisme moral dont on a reconnu le danger aussi bien pour l'épanouissement de l'individu que pour la santé des communautés humaines, n'y a-t-il pas découvert, l'idéal dont notre temps éprouve le désir ? Comme le bon Bernardin qui n'avait lu que Tournefort, BufFon et Jussieu, Maeterlinck qui a lu Darwin et les continuateurs de Darwin, n'a-t-il pas orné de poésie les découvertes des savants ? Comme lui, n'y a-t-il pas trouvé des raisons de vivre, d'espérer, et de moraliser ? Aussi, de même que nos grand'mères louaient l'aimable M. de Saint-Pierre de ce qu'il élevait l'âme, de même nous entendons aujourd'hui une ample voix popu- laire proclamer que " Maeterlinck ennoblit la con- science moderne ".

Mais cette voix lui conférera-t-elle autre chose qu'une gloire viagère ? Les élites seules déter- minent dans une œuvre ce qu'elle a de durable. Or, elles échappent peu à peu à l'influence de Maeterlinck qui, d'abord, les avait séduites. Plus sa gloire brille sur l'Europe des Académies

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