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486 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

l'homme. 11 n'oublie ni ses habitudes, ni ses vices; la personne charnelle ne l'attire pas moins que le rôle public. Suétone peint son homme dans ses traits et ses goûts singuliers, comme dans ses actions, dans ce qu'il montre et dans ce qu'il cache. Il ne se tait que sur ce qu'il ne sait pas. Il ôte la chemise au prince. Il tâte ce corps cruel, misérable et souverain. Il remarque les beautés ; il prend l'empreinte des tares ; il essaie les muscles, et il décrit les ulcères. 11 tente les mots au griffon de l'instinct ; il les puise sur la bouche même de ces bouffons terribles. Presque tous les souverains sont boufïbns, dans l'ordre temporel ; et j'ai toujours pensé que les rois sont les fous et les Triboulets des dieux. C'est pourquoi chaque dieu a sa dynastie qu'il protège.

Ce grand curieux des caractères l'est surtout, comme il est juste, des hommes puissants et presque uniques par le rang ou par le génie. Il a reçu de Vulcain un croc irrésistible à happer les mystères de la puissance, à en retourner les super- bes haillons, à démêler la doublure de soie et de chair, de velours et de peau vive.

11 n'est pas content, s'il n'a pas pénétré le men- songe de la chambre à coucher ; et l'arcane du lit. Car la chambre d'homme, et tout lit, ont une couverture de menterie, et gardent une vérité que la pudeur défend, et que la conscience même ne s'avoue pas. Suétone, lui, se glisse derrière les

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