NOTES 5^^
vieux poète Sheridan Knowles et avec la charmante Miss Brightwen qui allait devenir sa seconde maman. On voudrait, ici, se reporter aux pages du volume, qu'on a marquées de maint signet, et substituer au commentaire de copieuses cita- tions. Ces épisodes témoignent d'une subtile entente psycholo- gique. Nul n'est purement gratuit. Chacun d'eux nous met au fait des appréhensions, des scrupules et des progrès d'une âme qui aspire. Ils sont présentés avec un art consommé et, dans leur ensemble, donnent au récit de l'aisance, de l'agrément, un attrait presque romanesque.
Il semble que M. Edmund Gosse ait mis sa distinction native, son tact littéraire, le charme de son esprit et une espèce de point d'honneur à faire de cette histoire cruelle un livre de bon ton. Seul un anglais pouvait, je pense, réussir un tel livre, dont la hardiesse ne fait jamais tort à la " respectabilité ". Un écrivain français l'eût conçu plus dépouillé, plus tendu, à la fois plus amer et plus indiscret, non plus vrai sans doute ni plus mordant, mais plus confidentiel. Et, lecteur français, je ne puis m'empêcher de penser, parfois, que l'esprit de M. Gosse se joue un peu trop aisément parmi ses souvenirs. Je ne trouve pas à son accent le je ne sais quoi d'inarticulé, de balbutiant, par où le vif des émotions m'entrerait au cœur, et se manifesterait pkis âprement la présence dramatique. Mais, précisément, M. Gosse entend faire figure de moraliste et d'historien, non de drama- tiste. Dans le moment où nous prenons contact avec les faits, il s'en est détaché et se tient à distance. A mesure que sa mémoire les choisit et les dispose, son esprit les juge et n'en est plus troublé. Son geste et sa voix ne veulent pas être ceux de l'acteur qui subit le drame, mais du choryphée qui commente une action révolue. La réserve, la pudeur naturelle à son tempérament — comme aussi son inclination secrète à l'ironie — imposaient à l'auteur cette attitude qui seule, à ses yeux, rendait son livre " possible ". M. Edmund Gosse n'eût point touché ses souvenirs, tant que la brûlure n'en était apaisée.
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