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NOTES 527

Mais je vois un père disputant son fils à l'étemelle damna- tion. Il ne dissimule pas son impatience de circonvenir, d'em- prisonner ce cœur en des liens infrangibles, avant qu'il ne se soit reconnu, avant qu'il n'ait appris lui-même à le connaître. Il le presse, le harcèle. Il n'a d'autre souci, d'autre occupation que lui. Il n'agit que pour lui, " non à la lumière de ce monde présent, mais en vue de l'Eternité ". Et quand il pense tenir enfin la proie du Christ, quand il croit cette âme " scellée " à jamais par l'amour divin, quand il élève les mains pour la consécration dernière, il s'aperçoit qu'un secret maléfice a corrompu l'hostie qu'il avait préparée, que la créature destinée à la vie étemelle a mordu le fruit de la mort : " C'était cette effroyable, cette insidieuse infidélité qui avait déjà fait son œuvre avec une terrible énergie dans ton esprit et dans ton cœur... Rien ne paraissait demeurer à quoi je pusse en appeler... Les Saintes Ecritures n'avaient plus désormais aucune autorité ; tu t'étais instruit à éluder leur inspiration... Et même tu pesais jusqu'au caractère de Dieu dans la balance d'une raison déchue, et tu le façonnais en conséquence. Tu descendais ainsi le rapide courant du temps vers l'éternité, sans un seul guide autorisé, ta carte jetée par dessus bord, n'ayant pour te diriger, que ce que tu pouvais façonner et forger sur ta propre enclume, en fait ce que tu pouvais conjecturer "...

De si belles et farouches paroles s'émoussèrent et ne surent mordre sur ce " noyau fort dur " auquel, depuis l'enfance, adhérait l'individualité du jeune homme. La lutte touchait à son terme. Elle avait été poignante, mais non point inégale. Le père fut cruel, inconsciemment d'ailleurs et par mission divine. L'enfant le fut aussi, plus insidieusement. Les armes du père étaient lourdes et puissantes. Celles de l'enfant, plus légères, n'étaient pas moins terribles.

J.C.

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