Aller au contenu

Page:NRF 8.djvu/535

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

NOTES 529

l'auteur. " Dans maintes occasions, les Maudits ont confessé que les prières des chrétiens redoublaient leurs douleurs. " Les mérites des âmes pures aggravent de même leurs tortures. " Vilain crapaud noir, dit le diable au curé d'Ars, que tu me fais souffrir ! S'il y en avait trois comme toi sur la terre, mon royaume serait détruit. " Telle est Vexplicatim mystique des tourments démoniaques. La nature d'une explication mystique, c'est d'accorder logiquement tous les points du dogme, d'en faire un système cohérent ; c'est une explication esthétique. Elle n'est pas différente d'ailleurs, en son fond, de l'explica- tion scientifique ; celle-ci tend à unifier, à coordonner les hypothèses multiples que suggère la réalité. L'une et l'autre poursuivent ce but suprême : l'harmonie de la pensée.

Comme un vrai chrétien, M. Baumann est dominé par le problème de la souffrance. Théologiquement parlant, la souf- france est raisonnable ; elle est le moyen de rédemption des joies illicites ; les malheureux expient pour les autres et ainsi s'établit une sorte de balance réparatrice, sans quoi le monde ne serait qu'une absurde géhenne. C'est la thèse même de V Im- molé, le premier roman de M. Baumann. Les épreuves, les catastrophes, les horreurs, les maladies s'acharnent sur un croyant qui, par l'oblation de ses maux, sauve les hommes, les ramène à la foi. De même que l'Eglise universelle souffre d'un seul pécheur, elle est tout entière accrue par le mérite d'un juste. Cette idée grandiose du corps de l'Eglise donne une réelle sublimité à l'esthétique catholique.

Ainsi c'est dans le tragique que s'épanouit en fin de compte la sensibilité chrétienne. La douleur, le mal, voilà le sujet des habituelles méditations des mystiques. Cela nous aide à com- prendre par quel chemin caché l'art des derniers romantiques, dits naturalistes, a conduit tant d'écrivains au catholicisme, depuis Barbey d'Aurevilly, Huysmans et Léon Bloy, jusqu'à Emile Baumann. Peut-être y a-t-il chez Baudelaire, dans ses invocations à Satan, un catholicisme qui s'ignore. Il semble bien

�� �