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534 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

grands écrivains, en replaçant chaque œuvre, chaque fragment à la place même qu'ils occupent dans la vie de l'auteur, à les appuyer de faits et de dates, d'anecdotes, de lettres, en recréant pour le lecteur la continuité même d'une vie et d'une pensée. Ces livrets ne feront pas tort aux vastes éditions complètes, comme celle des Grands Ecrivains de la France ; ils n'empêche- ront personne d'y recourir ensuite ; bien au contraire, ils seront là pour en faciliter l'accès. A condition du moins — je le répète, que le critique fasse œuvre vivante et subtile, ne force pas les textes, s'ingénie par la présentation à leur faire rendre leur maximum. Je n'ai pas encore lu le Fontenelle de M. Faguet : sur Fontenelle nous avons beaucoup à apprendre. Nous croyons tout savoir de La Fontaine ; M. Pilon nous prouve bien que non et son petit ouvrage est le tact et la perfection mêmes. Le texte y tient plus de place que les commentaires ; le critique s'est contraint au plus complet effacement ; il a pensé que le choix et le groupement des morceaux suffiraient à signer l'ou- vrage et qu'au reste, un hommage de cette nature ne comportait aucune vanité d'auteur. Un annotateur quelconque n'eût pas cité tout au long les Rieurs du Beau-Richard, ce ballet vif et gaulois qui est peut-être la plus significative des premières œuvres du bon La Fontaine, une œuvre de jeunesse com- posée à 38 ans ; et non plus les Lettres a sa femme durant un voyage dans le Limousin, merveilles d'esprit, de pittoresque et d'écriture ; et non plus cette Préface riche de sens, attribuée longtemps à Lancelot ou à Nicole, qui fut écrite pour le recueil de Poésies Chrestiennes et diverses dans le courant de l'année 1671. Quel libre esprit il fut, cet ami de l'antique et quand il parle de son art qu'il montre donc de conscience et de raison ! " II faut donc, écrit La Fontaine dans cette Préface, s'élever au dessus des règles qui ont toujours quelque chose de sombre et de mort. Il faut ne concevoir pas seulement par des raisonnements abstraits et métaphysiques, en quoi consiste la beauté des vers, il la faut sentir et la comprendre tout d'un

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