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536 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

comment jaillit l'étincelle, comment Watteau emprunte pour refondre, apprend pour enseigner et devient délibérément un grand maître dans de petits sujets. Il insiste sur cette appro- priation au milieu, sur cette condensation du génie, sur cette beauté morale sans laquelle rien de grand ne fut créé. — A défaut de plus longues citations je transcrirai ce joli morceau poétique : " Ainsi passa-t-il au milieu de la pire époque, tel qu'on avait pu voir dans son œuvre limpide le garçon zinzolin passer, d'un doux geste de belle indifférence au milieu du gazon. Jamais le mauvais désir n'avait gonflé son cœur. Son œuvre était une Alpe étrange et assez haute où tout n'était que grâce, candeur belle et chaste et d'où l'on découvrait — comme dans V Embarquement — sur la cime des neiges, de douces et voilées perspectives aériennes. L'époque à laquelle il parut lui offrit le spectacle d'un monde emporté d'impossible ardeur et de joie effrénée ; mais lui, comme toujours, se main- tient bien au dessus et bien en dehors ; et de ce monde des fêtes, de ce monde des grands, de ce monde de luxe, écartant la débauche, il ne vit que la beauté, il n'aperçut et ne connut que la chimère, il ne retint que l'élégant simulacre. — La probité de son art, aidant à celle de son esprit, lui montra dans l'amour des couleurs, l'irisation des lumières, la musique des lignes, de suffisants motifs de joie et d'exaltation ; il ne chercha point d'écarter le manteau des Pèlerins et des Pèlerines de sa Cythère lointaine afin d'écouter si, sous la soie et le satin, battirent des cœurs. Il s'amusa seulement de faire jouer à ses personnages la plus belle comédie des tendresses. " — Com- prend-on pourquoi les plus charmants de ses suiveurs — Fragonard excepté — ne furent, eux, que de petits-maîtres \

H. G.

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