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560 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

jet de sang, comme un cri qu’on ne peut retenir, en vers d’une force et d’une roideur inouïes :

Corps remagnétisé pour les énormes peines.
Tu rebois donc la vie effroyable, tu sens
Sourdre le flux des vers livides dans tes veines !

(Paris se repeuple).

Mais, ô femme, monceau d’entrailles, pitié douce !

(Les Sœurs de charité).

Qu’il est touchant d’assister à cette espèce de mue du génie et de voir éclater ces traits fulgurants parmi des espèces de jurons, de sanglots et de balbutiements ![1]

La seconde période est celle du voyant. Dans une lettre du 15 mai 1871 (récemment retrouvée par M. Paterne Berrichon), avec une maladresse pathétique, et dans les quelques pages de la Saison en Enfer intitulées Alchimie du Verbe, Rimbaud a essayé de nous faire comprendre la « méthode » de cet art nouveau qu’il inaugure, et qui est vraiment une alchimie, une espèce de transmutation, une décantation spirituelle des éléments de ce monde. Dans ce besoin de « s’évader » qui ne le lâche qu’à la mort, dans ce désir de « voir » qui tout enfant lui faisait écraser son œil avec son poing, (Les poètes de sept ans), il y a bien autre chose que la vague nostalgie romantique. « La vraie vie est absente. Nous ne sommes pas au monde. »

  1. Une seule pièce accomplie : Les Chercheuses de poux.