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562 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

de silence et en faisant passer sur lui la nature, les espèces sensibles « qui accrochent et tirent ».[1] Le monde et lui-même se découvrent l’un par l’autre.

— Chez ce puissant imaginatif, le mot comme disparaissant, l’hallucination s’installe et les deux termes de la métaphore lui paraissent presque avoir le même degré de réalité. « A chaque être plusieurs autres vies me semblaient dues. Ce monsieur ne sait ce qu’il fait, il est un ange. Cette famille est une nichée de chiens. » Pratiques extrêmes, espèce de mystique « matérialiste »,[2] qui auraient pu égarer ce cerveau cependant solide et raisonnable.[3] Mais il s’agissait d’aller à l’esprit d’arracher le masque à cette nature « absente », de posséder enfin le texte accessible à tous les sens, « la vérité dans une âme et un corps », un monde adapté à notre âme personnelle.[4]

— J’ai déjà cité souvent la Saison en Enfer.[5]

  1. Lettre précitée.
  2. Lettre précitée.
  3. « Je ne pouvais pas continuer. Je serais devenu fou. Et puis… c’était mal. » (Paroles à Isabelle Rimbaud. Cf. la Saison en Enfer.)
  4. « Il voulait voir la vérité, l’heure du désir et de la satisfaction essentiels. Que ce fut ou non une aberration de piété, il voulut. Il possédait du moins un assez large pouvoir humain. » (Illuminations p. 166.) Voir tout ce conte qui illustre le côté destructeur de Rimbaud.
  5. Qui est de 1873, l’année des Amours Jaunes et des Chants de Maldoror. — C’est ici que Rimbaud s’est arrêté sur la route de Dieu en une espèce d’attente suspicieuse. Mais il restait l’Univers — « et tout l’après-midi où ils s’avancèrent du côté du jardin de palmes. »