Aller au contenu

Page:NRF 8.djvu/569

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ARTHUR RIMBAUD 563

Il me reste peu de choses à ajouter à l’analyse que Paterne Berrichon a faite de ce livre si sombre, si amer, et en même temps pénétré d’une mystérieuse douceur. C’est là que Rimbaud, arrivé à la pleine maîtrise de son art, va nous faire entendre cette prose merveilleuse, tout imprégnée jusqu’aux dernières fibres, comme le bois moelleux et sec d’un Stradivarius, par le son intelligible. Après Chateaubriand, après Maurice de Guérin, notre prose française, dont le travail en son histoire si pleine, et si différente de celle de notre poésie, n’a jamais connu d’interruption ni de lacune, a abouti à cela. Toutes les ressources de l’incidente, tout le concert des terminaisons, le plus riche et le plus subtil qu’aucune langue humaine puisse apprêter, sont enfin pleinement utilisés. Le principe de la « rime intérieure, » de l’accord dominant, posé par Pascal, est développé avec une richesse de modulations et de résolutions incomparable. Qui une fois a subi l’ensorcellement de Rimbaud est aussi impuissant désormais à le conjurer que celui d’une phrase de Wagner. — La marche de la pensée aussi qui procède non plus par développement logique, mais, comme chez un musicien, par dessins mélodiques et le rapport de notes juxtaposées, prêterait à d’importantes remarques.

Je pose la plume et je revois ce pays qui fut le sien et que je viens de parcourir. La Meuse pure