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LETTRES A FANNY BRAWNE 5I

soit-il. Sur mon âme, je ne puis penser à rien d'autre. Les temps sont loin où j'avais la force de vous mettre en garde contre l'aube sans espoir de ma vie. Mon amour m'a rendu égoïste. Je ne peux pas vivre sans vous. Rien ne m'importe que de vous revoir — là st borne ma vie — je ne vois pas au delà — vous m'avez absorbé. J'ai, en ce moment, une impression comme de dissolution ; je serais parfaitement misérable, n'était l'espoir de vous voir bientôt. Combien je redouterais de m'éloigner de vous ! Ma douce Fanny ! votre cœur ne changera-t-il jamais ? Mon amour le pourrait-il t mon amour qui, en ce jour, ne connaît point de limites. Je viens de recevoir votre mot. J'ai autant de bonheur que j'en puis avoir loin de vous. C'est un trésor plus grand qu'une cargaison de perles. Ne me menacez pas, même en riant ! Je me suis étonné, jadis, que des hommes pussent mourir martyrs pour leur religion — j'en ai frémi. Je ne frémis plus, je me ferais à présent martyriser pour ma religion — l'amour est ma religion — je pourrais mourir pour lui ; — je pourrais mourir pour vous. L'amour est mon Credo et vous êtes mon unique Doctrine. Vous m'avez ravi par un pouvoir irrésistible. Je pouvais résister à ce pou- voir tant que je ne vous avais pas vue ; et même après vous avoir vue, j'ai tâché souvent de " trou- ver des raisons contre les raisons de mon amour. " Je ne le puis désormais ; la souffrance serait trop

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