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Page:NRF 8.djvu/572

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566 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

immatériel presque et sa pensée s’échappe malgré lui. Quelquefois il demande aux médecins si eux voient les choses singulières qu’il aperçoit et il leur parle et leur raconte avec douceur, en termes que je ne saurais rendre, ses impressions : les médecins le regardent dans les yeux, ces beaux yeux qui n’ont jamais été si beaux et plus intelligents, et se disent entre eux : c’est singulier. Il y a dans le cas d’Arthur quelque chose qu’ils ne comprennent pas. Les médecins d’ailleurs ne viennent presque plus parce qu’il pleure souvent en leur parlant et cela les bouleverse. — Il reconnaît tout le monde, moi il m’appelle parfois Djami, mais je sais que c’est parce qu’il le veut, et que cela rentre dans son rêve voulu ainsi ; d’ailleurs il mêle tout et… avec art.[1] Nous sommes au Harrar, nous partons toujours pour Aden, il faut chercher des chameaux, organiser la caravane ; il marche très facilement avec la nouvelle jambe articulée ; nous faisons quelques tours de promenade sur de beaux mulets richement harnachés ; puis il faut travailler, tenir les écritures, faire des lettres. Vite, vite, on nous attend, fermons les valises et partons. Pourquoi l’a-t-on laissé dormir ? Pourquoi ne l’aidé-je pas à s’habiller ? Que dira-t-on si nous n’arrivons pas aujourd’hui ! On ne le croira plus sur parole, on n’aura plus confiance en lui ! Et il se met à pleurer en regrettant ma

  1. C’est moi qui souligne.