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LA MÈRE 639

de penser que toute végétation, même celle des tropiques, si violente, et celle du jardin d'Almeida si particulière- ment folle, est strictement due au refroidissement de la terre...

— Ce ne sera rien, bien sûr, dit Mrs. Almeida, et son visage commença de s'éclaircir. Le même espoir rassérénait aussi Van Leer, et devant le sourire de Mrs. Almeida il ne contint pas davantage un véritable éclat de rire. On l'avait une fois encore dérangé sans raison. Maintenant tout à fait en possession d'elle-même, Mrs. Almeida lui tapait franchement sur l'épaule, et suivant l'allée ils se dirigèrent ensemble vers la maison, comme si Van Leer était venu la voir en simple visiteur. Elle expliqua que Mr. Almeida était absent pour livrer svu* le port, à un steamer, un lot d'orchidées.

Loquace et optimiste, Mrs. Almeida fît avec son hôte un petit tour de jardin. On y voyait partout les plantes les plus bizarres, les plus chaudes. Sur le jardin traînait une vapeiu" blanchâtre, si lourde qu'elle ne parvenait pas à s'élever au dessus des bosquets. L'air stagnant et chaud, pareil à l'atmosphère d'une salle de bains, sous un ciel embué de blancheur, était saturé d'un gaz sucré, d'une odeur de plantes si dense, et presque tangible, qu'elle se posait comme un édredon sur la figure. De quelles pensées n'était-on pas assailli ! Il faisait aussi chaud que dans les intestins d'un être vivant, et comme cela sentait le nu ici, comme y fumaient la sueur et le rut des plantes. Une étrange, une légère rumeur planait sur ce jardin, à demi caché dans la brume moite qu'il dégageait lui-même, un chœur grêle, à peine perceptible, fait de milliers de sons fragiles : des tiges qui s'élancent, des

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