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Page:NRF 8.djvu/651

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LA MÈRE 645

talière. Il lui plaisait de prêter à sa fille et à Van Leer un penchant coupable l'un vers l'autre.

C'était là du reste, soit dit en passant, un spécimen du genre de sentiments complexes auxquels Van Leer aimait assez s'exposer, mais qu'il espérait savoir toujours con- trôler.

Le fait est que Mrs. Almeida ne nourrissait pas de plus haute ambition que celle de marier Sussie avec le docteur : espérance d'ailleurs si lointaine qu'elle osait à peine la formuler, bien qu'elle en plaisantât d'une manière à la fois mélancolique et hardie. L'enfant n'était-elle pas halfcast ? Oui, Sussie était sang-mêlée. Personne plus que sa mère, qui était une blanche, ne s'en rendait impitoya- blement compte : Sussie était horsAz-Society. Bien entendu toute la maison était hors-la-iSar/V/)-, car Mr. Almeida était eurasien, produit de toutes sortes de gens louches depuis des générations, et dont le sang reconnaissable était en majeure partie portugais et hindou. Mais Mrs. Almeida était blanche, avec tous les préjugés étroits de sa race : de Londres, my dear^ et parlant cockney^ sans h là où il en faut. Elle vivait conjugalement avec Mr. Almeida depuis plus de trente ans, et les tropiques l'avaient épuisée. Elle était seule, honnie des siens, mais elle était blanche, y es Mylord !

Le flamboyant titre romanesque, dont Mrs. Almeida se plaisait à rehausser un hollandais d'espèce ordinaire, posait sur elle-même un lustre agréable. Elle interpelait Van Leer dans la langue la plus correcte, dans le plus pur dialecte londonien de Eastend, et surtout en présence d' Al- meida, à qui du reste elle n'oubliait jamais de dire Mister. Elle mettait de l'ostentation à former avec Van Leer une

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