Aller au contenu

Page:NRF 8.djvu/735

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

NOTES 7^9

appel à sa mémoire qu'à sa réflexion. C'est un peu ainsi qu'en usait Montaigne, mais d'après des lectures autrement étendues et un sens autrement riche des vérités philosophiques et morales. — Moréas a des façons d'entrer en matière qui sont désarman- tes. En voici une :

" J'avais acheté à la gare de Sceaux un petit livre intitulé Mo» Secret. C'était la traduction d'un opuscule latin de Pétrarque.

Je mis le livre dans ma poche et je me précipitai dans le wagon.

J'arrivai à Jouy en Josas dans la vallée de Versailles. Nous étions en juin ; un clair soleil s'épanchait sur le paysage.

Après avoir grimpé une côte, je m'assis à l'ombre d'un arbre et je me plongeai dans la lecture de mon petit livre pendant plusieurs heures...

C'est pendant une ascension sur le Ventoux que Pétrarque, etc. etc. "

Ailleurs, il entreprend un parallèle entre Corneille et Racine. Quand soudain, on ne sait pourquoi, et ce n'est vraiment pas pour plaider la cause de Corneille, il se saisit de son Œdipe qu'il nous raconte avec force citation, et il n'est plus question de Racine. Mais on le suit, car on peut dire qu'il a " le ton ".

" Le ton, écrit-il, est la principale marque des grands poètes. Un Racine a le ton et tout le reste. Mais c'est par leur ton que Ronsard et Corneille sont des génies. "

Le " ton " de Moréas n'est pas celui du poète de génie, mais de 1' " honnête homme " au sens du XVII™* siècle. Il dit ailleurs, à propos de Du Bellay : " Il y a dans ces vers de la grâce, et déjà le style y met de la décence dans la nouveauté." Ce qui est parfaitement juste et ce qui fut aussi l'ambition de Moréas. Je dirai du présent recueil qu'il vaut très peu par la nouveauté, mais beaucoup par la décence.

H. G.

�� �