FONTENELLE, textes choisis et commentés par M. Emile Faguet (Bibliothèque Française. Librairie Pion).
M. Faguet écrit dans son avant-propos : " Il y a des hommes qui appartiennent au passé depuis leur première pensée jusqu’à la dernière et qui, du reste, peuvent ne pas laisser pour cela d’être très grands. Il y en a qui appartiennent à leur temps et qui en sont comme le reflet continu, et ce sont en général ceux-ci que leur siècle trouve les plus grands hommes d’entre les hommes. Il y en a enfin qui pensent, et quelquefois très distinctement, ce que les hommes penseront un siècle ou deux siècles après eux. Leur temps le plus souvent les dédaigne ou au moins les néglige. " Et il ajoute : " Fontenelle appartient très évidemment à cette troisième catégorie et pourtant il n’a été par ses contemporains ni négligé, ni dédaigné... " Ces lignes suffisent à indiquer dans quel esprit M. Faguet a conçu ce recueil de textes soutenu par un minimum d’explications. Il veut faire de Fontenelle un précurseur, un très grand homme. Je ne prétends pas qu’il n’ait pas raison : je ne dis pas qu’il ait forcé pour nous son génie et je me rends compte du service éminent qu’un tel volume peut rendre à un grand nombre de lecteurs en attirant leur attention trop distraite, sur un polygraphe prestigieux dont on nous cite, entre bien d’autres simplement agréables, quelques pages de haute portée et de la hardiesse la plus imprévue. Mais je crains qu’il n’ait un peu faussé sa figure en la grossissant démesurément, qu’il n’ait un peu partialement orienté son œuvre en n’en citant que le meilleur et le plus significatif. Voyez ce qui arrive pour les Dialogues des Morts qui, à vrai dire, faisaient l’admiration de Nietzsche. Il n’en publie presque aucun dans son entier ; de chacun il n’extrait guère plus d’une page ; je veux bien qu’ils se développent à peine davantage, mais il les prend de