Aller au contenu

Page:NRF 8.djvu/822

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

8 14 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

amis, dès qu'ils y jettent les yeux, hurlent avec des gestes de théâtre :

— La majorité est dépassée. Victoire ! Il est élu !

Ils m'entourent, et m'embrassent, et me félicitent, rient, pleurent, braillent, — cela se passait dans le midi. Des lumières éclatent à toutes les fenêtres, une fanfare sonne la Marseillaise. Alors, abandonnant la foule et l'enthousiasme, je me glisse hors de la maison, je marche jusqu'au bout du faubourg, dans l'obscurité de la nuit pluvieuse. Je regarde longuement le ruban pâle de la route qui se perd dans le noir de la campagne, et j'at- tends... j'attends...

O, qu'attendais-je aussi, mes lointaines maîtresses, quand nos étreintes se dénouaient, alors qu'une mélan- colie soudaine nous éloignait l'un de l'autre ? Nulle pensée ne montait dans le vide de mon âme, nul effort ne sollicitait ma volonté. Vous restiez étendues, les yeux mi-clos, nues ou frileusement blotties, selon votre goût, selon l'emportement de notre passion ou les fantaisies de notre luxure ; et le silence qui nous séparait se peuplait pour moi de mille indices d'un événement nécessaire, de l'événement, de la chose que j'attendais...

Dès que la terre se pare de son manteau vernal, je vais habiter cette villa de Vaucresson que je convoitais dans mon enfance et que le temps m'a donnée. J'y fais mon cabinet de travail d'un atelier de peintre, fort grand, et par le vitrage duquel, au-dessus de ma tête, je vois briller les étoiles. Que de fois, après le labeur d'une lourde soirée d'été, me suis-je accoudé à la fenêtre, sur le minuit, respirant le vent calme qui, bercé sur les ondes des arbres, venait mourir à mes narines ! Nul bruit humain. Quel-

�� �