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Page:NRF 8.djvu/831

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SEPT HOMMES 823

cravache j'ai salué son départ ! Le sang suintait par son corsage lacéré.

Je ne parle là que de haines faciles, d'où je ne tirai jamais que de la satisfaction, les assouvissant à ma guise. Mais il en est d'autres qui, dans mon impuissance à leur donner une suite logique, criblèrent mon existence d'une myriade de douloureuses piqûres. Car je ne me borne pas à détester des êtres que je connais, que j'approche aisément, et sur lesquels mon courroux peut s'exercer en toute commodité. La foule renferme nombre d'individus que sur leur simple rencontre je me prends à détester... et qui passent pour toujours, en me laissant au cœur le regret d'un plaisir manqué, le tiraillement d'un besoin accru. O, les sales têtes, les sales gueules, les grouins, les mufles d'imbéciles, de marchands, de cabots, de bourgeois ! O, ne pouvoir les souffleter, ne pouvoir les mordre ! De la rue Drouot à l'Opéra, j'en ai compté vingt-neuf, un matin, qui, dans le flot des figures banales et vulgaires, s'imposaient à mon abhorration par quelque trait particu- lier, par une voix déplaisante, un certain sourire, un affreux regard. Ils ont vécu, ceux-là, sans connaître le cinglement de ma rancune ; ils m'ont provoqué, nargué...

Et d'éprouver tant de haines fugitives je m'énervais au point qu'un beau jour, voulant me conserver vigoureux pour mes colères efficaces et pour mes ardentes amours, je me condamnai à fuir le frottement des foules, à m'iso- 1er. Je ne sortis plus qu'en voiture, les yeux sur un livre, ou fis à cheval, galopant par les allées désertes du Bois, la promenade que ma santé requérait.

Je m'efforçais de n'attacher point mes regards aux personnages qui me dépassaient ou qui venaient à ma

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