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826 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

savourer un délicat régal. Jamais la vie ne m'avait oflFert un tel enivrement. Et dans les voitures, les femmes se retournaient toutes sur mon triomphal passage : une joie surnaturelle m'illuminait.

— Mélèze, bouleau, chêne, mélèze... disais-je en nommant les arbres des allées, suivant une vieille manie. Mais je ne pensais point aux arbres, je pensais à l'X du ménage blond ainsi qu'à la façon de l'atteindre. Et mon cheval tremblait sous mes jambes tant, par instants, je riais haut.

Tout d'abord, je m'assurai que le hideux couple passait chaque matin sous mes fenêtres. Puis, quand je fus certain qu'il ne m'échapperait pas, qu'il suivait règlement la même route, je m'abouchai avec l'acrobate Willy Ludo qui faisait, à cette époque, d'étonnants tours de cirque sur une automobile. Me voyez-vous venir ?

Je fis construire une voiture du genre de la sienne, souple comme un annelé, précise comme un chronomètre, lourde et rapide, mais que rien ne distinguait de celles qui circulaient le plus communément. Et je m'évertuai, pen- dant des semaines, à réaliser toutes sortes de prouesses sur cet appareil. J'avais acquis une vingtaine de gros sacs de caoutchouc, assez semblables à des traversins et je les emportais dans mes courses, flasques et bien empilés.Arrivé dans la campagne, au petit jour, je les gonflais d'un coup de pompe, les dispersais sur la route, couchés ou dressés comme des hommes, et c'était merveille de me voir courir au milieu d'eux, renversant les uns, frôlant les autres, en écrasant deux ou trois, selon l'exercice que je me pro- posais.

Quand j'eus atteint le degré d'habileté, le doigté qui

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