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Page:NRF 8.djvu/836

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828 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Mais en revanche, j'avais bien ressenti l'écrabouillement de son gros corps, le bond de la voiture sur ses os broyés, et cela, aussi, était infiniment agréable ; cette heureuse sensation se prolongeait, au cours de la randonnée que je m'imposais, — dans la campagne, maintenant — pour recouvrir d'une couche de boue le sang qui tachait mes pneus...

Oui... toujours le cri de la femme et l'aplatissement du mari... l'impression délicieuse me revenait à chaque minute et me faisait battre les paupières.

Je lus, le lendemain, dans les feuilles, qu'un ménage d'honnêtes employés avait été occis, au coin de la rue Royale, par une automobile emportée. Les journalistes flétrissaient la conduite du chauffeur que menaçait une enquête judiciaire. Et cela m'emplit d'une douce gaieté.

C'est ainsi que j'ai assuré à mon existence la quiétude du présent et la sécurité de l'avenir,... sans négliger le rappel incessant d'une ineffable jouissance. Je puis, délivré d'un trouble vain, m'abandonner désormais à mes amours et à mes haines, semer la joie ou jeter le mal. Et les figures odieuses que je rencontre ne me laissent plus le regret de n'assouvir point la passion qu'elles soulèvent. J'en fais fi, car, n'est-ce-pas, il ne tiendrait qu'à moi...

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