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848 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

— Monsieur le comte veut-il qu'on entr'ouvre la fenêtre ?. . . nous manquons d'air. . .

Je le lui permis. Aussi bien, l'odeur fade, l'odeur infecte s'accentuait. Dans la chambre, s'épaississait un relent nauséeux de vieille graisse fondue, bouillie, brûlée, qui m'incommodait. Le froid me saisit et j'allais m'envelopper les jambes d'un tapis jeté sur une table quand un dégoût me souleva, de tout ce qui avait touché le malheureux mort. Ah, que les heures paraissaient longues !

Alors, pour la première fois, je pensai à la destruction absolue de cet homme qui avait finement, supérieurement vécu, et l'hypothèse qu'une âme quelconque subsisterait de lui et volerait en un vague éther, me fit hausser les épaules.

Je ne crois pas en Dieu. Je ne crois à rien. Au temps des Encyclopédistes, un de mes aïeux, — Hortensius, le surnommait-on — tint un journal où il couchait quoti- diennement un argument nouveau contre l'immortalité de l'âme. J'ai hérité ses traits et son tour d'esprit. J'ai fait miennes ses doctrines. Certes, il convient de ne pas trop les répandre ; il faut se garder de les communiquer à tout le monde, un peuple, sans religion, devenant une horde effrénée. Mais je ne puis admettre qu'un homme de sens donne dans le panneau de l'âme immortelle, et croie qu'à l'instant précis où la vie abandonnera sa dépouille, un principe immatériel prendra son vol, sur des ailes de colombe, de la charogne vers les cieux. Ces enfantillages ne sauraient abuser que le vulgaire.

Cela se prouve en trois mots, sans qu'il soit besoin de recourir aux dissertations philosophiques de mon aïeul. Lorsque vous dormez, que devient votre âme ? Elle dort.

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