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SEPT HOMMES 849

Lorsque vous vous évanouissez, que devient-elle ? Elle s'évanouit... Cauteleux, le sommeil qui n'aiFecte que légèrement Tétat physique, touche l'âme et l'assoupit, sauf à lui laisser les fumées de songes brefs et rares. La syncope, déjà plus brutale, frappe l'âme et l'annihile sans lui permettre de courir la prétentaine, n'est-ce pas ? Et vous voudriez, que cédant aux pavots de Morphée, que, dis- paraissant sous le choc de l'émotionjl'âme résistât au coup de faux de la mort r Non, elle suit les états de notre périssable organisme, et ce que le sommeil engourdit, ce qu*un évanouissement renverse, croyez que la mort ne l'épargne pas. Non, non, je ne la tiens pas pour immortelle, l'âme qu'on saoule avec quelques verres de vin.

L'âme du pauvre oncle Hugues venait de mourir. Rien n'éveillerait plus, maintenant, cette intelligence. Il ne restait, d'un homme aussi remarquable, qu'un cadavre repoussant.

Je me tournai vers lui. Le domestique dormait, — de trois jours il ne s'était couché, — et la religieuse demeu- rait dans une immobilité extatique. Je frissonnai d'épou- vante, enfonçant mes ongles dans la paume de mes mains, cinglé d'une ^oUe envie de fuir.

Un bruit léger monta de la rue que, depuis plusieurs heures, aucun mouvement n'agitait. Je me postai derrière les volets et vis un balayeur qui commençait son travail. Annonciateur de l'aube tant désirée, il m'apportait une société, un réconfort nécessaire. Et je finis la veillée, le front aux vitres, épiant les rares passants du matin, écou- tant les voix qui montaient de ces vivants.

A huit heures, je comptais prendre un peu de repos, quand mon père me demanda d'assister à la mise en bière.

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