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882 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

se forge, les plus rares et les plus difficiles ; capable de tout sacrifier à la joie de se vaincre : car tel est le devoir à ses yeux : tout obtenir de soi, dans un combat éternel contre les autres et contre la nature, où l'honneur consiste à mourir invaincu. Un Brutus, doublé d'un Caton, déguisé en bourgeois marguillier de sa paroisse. S'il traduit V Imitation^ le moine mystique du couvent à Kempis est changé en\pape tonnant de la solitude, en pontife maxime qui médite urbi et orbi. Corneille soutient cette gageure d'une Imitation héroïque. ^ Et dans la cellule du moine, son pénitent est un illustre sénateur sur la chaise curule, un Cornélius enfin.

Toutes les violences de la volonté, même les plus secrètes, même les plus outrées, sont en lui.

Il n'aime que l'excès. Tous ses héros excèdent la vertu et la condition humaines. Mais ils raison- nent à merveille sur leur folie ; ils en plaident le bon droit ; et d'arguments en arguments, ils en déduisent, ils en prouvent l'équité. L'excès est partout dans les idées, et la mesure gouverne impérieusement la forme. Voilà cet air héroïque et volontaire de la Fronde, ce style plein de force et de superbe, qui brave comme la jeunesse, hardi

1 M. Jules Lemaître en a déjà fait la remarque, il me semble. Personne, d'ailleurs, n*a parlé de Corneille avec plus d'intelligence que M. Lemaître, ni, s'il me souvient de mes anciennes lectures, avec plus de fine tendresse.

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