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Page:Nadar - Quand j'étais photographe, 1900.djvu/242

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fait en la tenue eût eu horreur de ressembler à l’excentricité, ce « sensational » émouvait le remous des foules sans paraître même s’en apercevoir.

Quelle haie de profonds et longs regards pétrifiés sur le passage du ravageur ! Que de misses pour longtemps rêveuses, et que de transes pour les mamans ! Silvy ne fut-il même pas amené en certaine rencontre à se réclamer de la presse contre des rumeurs de légende qui en arrivaient à l’énerver et qui eussent pu finir par jeter sur lui quelque discrédit ?

On ne s’étonnera pas si les après-midi de ces matins-là ne pouvaient fournir assez d’heures pour satisfaire l’aristocratique clientèle qui accourait en foule chez Silvy, ne se lassant de venir, moins encore de revenir, sollicitant des semaines, des mois à l’avance, le tour d’inscription qui permettra enfin à la bienheureuse appelée de se trouver quelques minutes devant le Maître charmeur en stricte tenue de réception, cravaté de blanc, — et à l’entrée de chaque cliente, jetant négligemment dans une corbeille déjà pleine sa paire de gants blancs, pour en prendre une autre irréprochablement neuve…

De plus — et en quoi donc cette gloire vaudrait-elle moins que toutes nos autres gloires ? — de plus était-on assurée de trouver au prochain « Christmas » son nom imprimé dans le Livre d’Or des clients de l’année, que, régulièrement comme l’almanach de Gotha, la munificente courtoisie de Silvy adressait