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Page:Nadar - Quand j'étais photographe, 1900.djvu/281

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Pareillement tout à la sienne, notre apicole, passant devant moi sans plus me regarder que si je n’existais pas, a allumé et ingéré quelque chose qui fume dans un petit soufflet dont il joue légèrement, mais non sans quelque majesté, de droite, de gauche, autour de lui : — tel un magicien impeccable décrit dans l’air les cycles cabalistiques de l’incantation…

Je lui ai emboîté le pas et me suis installé avec modestie contre la ruche, au-dessous et au-dessus de laquelle il souffle encore deux ou trois petits coups de sa petite affaire : puis — voilà le moment ! — doucement, il découvre, en levant la paroi qui fait couvercle…

Du coup, si délicatement aménagé qu’il fût, violent émoi et remous profond dans les foisonnements du personnel ailé ainsi mis à jour, avec rinforzando formidable de la musique.

Toute la garnison est sortie, mais elle sort toujours et ne finit plus de sortir : et des vingt mille miliciens qu’à peu près contient toute ruche, cette fois, quand il n’y en a plus, il y en a encore.

Nous nous trouvons enveloppés, obscurcis, aveuglés, perdus au milieu de ces myriades de porte-glaives, titillés de tout nous, faces, cous, mains, par ces effervescences mouvantes, — une immersion