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Page:Nadar - Quand j'étais photographe, 1900.djvu/69

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Le mari, son instruction faite, prend son temps pour examiner, peser ce qui lui convient mieux de faire de deux existences dont il se trouve dès à présent disposer en toute propriété : jus utendi et abutendi. Tuera-t-il la femme ou l’amant, ou l’amant et la femme ? Ça, ça le regarde tout seul : à sa discrétion. — On lui demande seulement, et pour rester jusqu’au bout dans la correction — omne punctum ! — de se présenter, son coup fait, devant le juge : — « Monsieur le Président, qu’est-ce que tu aurais fait à ma place ? » — Ce sur quoi, pas même besoin de délibérer : — et haut la main, les jurés proclament l’acquittement à l’unanimité, — sans que jamais, une seule fois, un seul de ces braves gens du jury ait été, pendant une seconde, traversé de la pensée de poser au meurtrier cette simple, primordiale question :

« — Toi qui tues les adultères, Justicier, ne fus-tu donc jamais, et le premier, adultère toi-même ?… »

Mais, pour l’instant, il ne s’agit pas de ces délicatesses.

J’omets les fureurs, les grincements de dents, les morsures, les tortures en ce désastre à jamais sans fond ni bords : il faut courir à la vengeance !

Plus rien d’autre n’existe, pas même l’écroulement pour le lendemain.