Le lendemain de l’installation des deux soldats dans le pavillon, Benoîte monta le déjeuner de sa maîtresse, d’un air tout déconfit.
Vicomte n’était pas, comme à l’accoutumée, sur ses talons… Pas rentré la veille il ne s’était pas montré le matin.
Sa vieille maîtresse en fut tout attristée.
— Comment cela peut-il se faire, Benoîte, demanda-t-elle ? Vicomte a bien ses petits caprices, mais jamais il n’a eu de graves écarts de conduite ; j’ai grand’peur qu’il ne lui soit arrivé malheur.
— Que mademoiselle ne se fasse pas trop de tourment ; je sais de quoi il retourne… ah ! je sais bien où il est, notre chat.
— Tant mieux, cela me soulage ! Mais à quoi attribues-tu son absence ?
— Mademoiselle, voilà ce qui s’est passé : hier, quand Vicomte est descendu dans la cuisine, il y a rencontré l’ordonnance du commandant.
— Benoîte, fit Mlle Herminie, avec beaucoup d’étonnement et un peu de sévérité, que faisait ce soldat dans ta cuisine ?
— Mademoiselle croit-elle donc qu’un emménagement ça se fait d’un coup de baguette ? Ce pauvre garçon avait besoin de tout et j’entendais : « Mademoiselle Benoîte, si c’était un effet de votre bonté, je voudrais du savon ; mademoiselle, est-ce que vous n’auriez pas un peu d’encaustique ? Mademoiselle Benoîte, il me faudrait un plumeau, ou un couteau, ou un marteau… » Il était dans le dénuement, ce garçon ; il lui fallait bien recourir à moi.
— Je le conçois pour le jour de l’installation ; mais je pense que c’est terminé, maintenant ?
— Mais oui, mademoiselle. Voici donc que Vicomte tombe sur l’ordonnance. Cette bête n’aime pas les hommes : ça se comprend, elle n’en a jamais vu.