avait trouvé, assis sur le bord de son bureau et rêvant devant la fenêtre ouverte.
Les deux jeunes gens avaient à traiter une affaire commune avec un marchand de grains d’Hazebrouck. Celui-ci ne tarda pas à paraître. C’était un gros homme jovial qui, courant les foires et les marchés avait toujours quelque nouvelle à conter.
— Venez-vous de loin ? lui demanda Pierre, quand ils eurent conclu leurs accords.
— Non, je me suis arrêté à Wattignies ; à propos vous savez que la ville est en deuil et que plus d’une jolie fille doit avoir les yeux rougis ?…
— Pourquoi cela ?
— Parce que le détachement d’artillerie est parti. Quand je suis arrivé, au petit jour, j’ai croisé les derniers fourgons.
— Tant mieux ! s’écria Pierre.
Le marchand se mit à rire.
— Vous gênaient-ils, monsieur Artevelle ? Ils avaient paraît-il, un commandant superbe ?… Un conquérant qui, sur son passage, exerçait des ravages terribles… Mais, au fait, je ne vous dis pas le plus intéressant… Cet officier a emmené une jeune fille dans ses bagages !
Pierre haussa les épaules, mais il regarda Philippe qui était devenu blanc comme son col de toile ; il devina quel soupçon insensé venait de traverser son esprit.
Il reprit donc :
— Voilà une nouvelle bien invraisemblable.
— Elle est vraie, je vous l’affirme ! Évidemment on ignore si l’officier a réellement enlevé la jeune personne ou si elle l’a suivi de son propre mouvement ?… Mais des gens dignes de foi m’ont entretenu de cette disparition.
— On ne vous a pas dit son nom ? demanda Pierre avec une lenteur voulue.
— Si, mais je l’ai oublié ; quand on ne connaît pas vous savez…