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les conquêtes du commandant belormeau

peine relever la tête. Mais les rhumatismes qui l’avaient ainsi courbé, n’avaient pas eu de prise sur sa belle humeur ; ses cheveux blancs tombaient sur le collet de velours de sa veste et encadraient un visage aux traits accentués, aux yeux rieurs et pleins de bonté, à la bouche narquoise remplie de malice. La lèvre, un peu pendante, gardait la marque du tuyau de pipe que l’aïeul ne quittait que pour aller rendre ses devoirs à Dieu. Il était vêtu comme les paysans, mais sa veste courte était de drap fin et sa chemise de toile de lin.

Tout le monde dans la petite ville connaissait le grand-père Frantz et plus d’un pays avait eu retours à lui, sachant qu’on le trouvait toujours prêt à rendre service ; tant à l’aide de sa bourse que de sa judicieuse raison, cachant sa générosité sous la forme un peu moqueuse de son esprit très vif.

Le grand-père Frantz, depuis la mort de sa femme, habitait chez son fils aîné ; il vivait en parfaite harmonie avec sa bru, bonne personne placide, que la mort de trois jeunes enfants avait rendue triste pour toujours. L’aïeul et les parents s’entendaient pour aimer tendrement et gâter beaucoup l’unique enfant qui leur fût restée, Valentine, jeune fille de dix-huit ans, qui rentrait au logis, après trois années de pension à Hazebrouck.

Le second des fils Stenneverck, François, le brasseur, venait derrière. Il était court, vigoureux et sanguin ; il portait, dans les traits, un peu de la malice paternelle, tempérée, semblait-il, par son embonpoint envahissant. Sa femme, vraie réplique de sa personne, ronde et rose, était d’une bonté parfaite et d’une gaîté inaltérable. Les enfants, dont l’aînée, Minna était une jolie personne de l’âge de sa cousine, tout comme elle, fraîchement sortie de pension et les quatre garçons qui suivaient, robustes et tapageurs, paraissaient avoir hérité de la bonne santé et de la belle humeur de leurs parents.