— Oui, mon général, répondit Benoîte, troublée, et étonnée.
— Je ne suis que commandant ; le commandant Belormeau. Votre maîtresse peut-elle me recevoir ?
— Non, monsieur le commandant.
— Pourquoi ? Est-elle absente ?
— Non, monsieur le commandant.
— Est-elle malade ?
— Non, monsieur le commandant.
— Mais, alors ?…
— Mademoiselle ne reçoit pas les hommes.
— Quel âge a-t-elle donc ?
— Je ne suis pas indiscrète ; mais enfin, pour plus jeune que moi, elle ne l’est pas.
— Mais, alors ?… répéta véhémentement l’officier.
— C’est comme ça, fit Benoîte qui reprenait ses esprits et le ton qu’elle avait pour parler aux êtres masculins.
— Il faudra cependant bien que Mlle de Batanville me reçoive, ne serait-ce que pour m’apprendre ce que je dois faire de ce billet de logement.
— Qu’est-ce que c’est que ce papier-là ?
— L’ordre donné, par le maire de Wattignies, à Mlle de Batanville, d’avoir à me loger pendant la durée de mon séjour en cette localité.
— Il en a un toupet, ce maire-là ! cria Benoîte indignée. De quoi se mêle-t-il, je vous le demande ?… Envoyer un homme, deux hommes ! et des militaires encore ! chez une femme, non, deux femmes seules, pas mariées ! Ça ne se serait jamais vu !
— Voyons, ma bonne femme, reprit le commandant avec une commisération indulgente, il n’est pas possible que vous soyez assez peu au courant de certains usages, pour ignorer que les soldats, au cours de leurs déplacements, logent chez l’habitant ?
Des souvenirs confus s’éveillèrent dans l’esprit de Benoîte.