Grand-père Frantz, ce soir-là, se trouvait retenu par un homme d’affaires, Michel était encore à la filature et sa femme ne tarda pas à être obligée de se rendre à la cuisine.
Le commandant se leva d’un bond et prenant la main de la jeune fille…
— Mademoiselle Valentine, j’aurais bien des choses à vous dire, mais à vous seule. Ici, je ne puis jamais vous parler sans témoins.
Elle ne douta pas que la communication ne concernât la décision qu’elle attendait ; mais elle s’effraya de cette demande d’entretien secret.
Elle était si violemment troublée qu’elle ne pouvait parler ; mais elle le regardait anxieusement.
— Vous ne sortez jamais seule ? reprit-il.
— Si quelquefois, murmura-t-elle.
Les pas pressés de Mme Michel se firent entendre, le commandant reprit sa place et il ne tarda pas à prendre congé, parfaitement inconscient de l’émoi dans lequel il laissait la jeune fille.
Celle-ci désirait ardemment avoir une entrevue avec le commandant Belormeau ; elle avait une hâte fiévreuse de sortir du doute qui la torturait et d’une situation que, chaque jour, rendait plus fausse ; mais faudrait-il, pour cela, chercher à le voir au dehors ; mentir à sa mère, se rendre, en se cachant dans quelque endroit où elle savait pouvoir le rejoindre ?
Toute la délicatesse de Valentine se révoltait à cette pensée.
Quand une jeune fille a été chrétiennement élevée, quelle que soit la force du sentiment qui l’entraîne, elle ne se décide pas spontanément à faire le premier pas dans la voie qui conduit à la faute.
Or, Valentine, si ignorante qu’elle fût des basses réalités et des véritables dangers, ne se dissimulait point que cette démarche serait une faute, une faute assez grave pour entacher son honneur de femme.