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Page:Nansen - À travers le Grönland, trad Rabot, 1893.djvu/157

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toujours en dérive.

Ravna, comme d’habitude, reste inactif dans son coin. La perspective de dériver bientôt en pleine mer n’est pas très réjouissante.

« Nous prenons alors la décision de continuer notre route à travers la banquise. L’entreprise est certes dangereuse, mais il faut la risquer en présence de notre dérive rapide vers la pleine mer.

« La glace ne s’ouvre pas ; dans ces conditions nous sommes obligés de recommencer la pénible opération du halage, et ce n’est pas un travail facile avec cette diable de houle qui tantôt éloigne les glaçons, tantôt les fait se choquer et se briser. Il n’est pas aisé surtout de faire passer les traîneaux d’une flaque sur l’autre sans les laisser tomber à l’eau. Souvent nous devons attendre quelque temps avant de pouvoir retourner sur le glaçon où nous avons abandonné les bagages que nous n’avons pu faire passer une première fois. En agissant avec précaution, ces transbordements s’effectuent assez vile. Mais à quoi servent ces efforts ? Rien qu’à nous donner du mouvement, car le courant, plus rapide que nous, nous entraîne du côté de la pleine mer, en sens inverse de la direction que nous suivons. Après tout, laissons-le agir ; occupons-nous seulement de trouver un solide radeau de glace. Nous examinons soigneusement tous les glaçons situés dans notre voisinage ; nous savons maintenant à quels signes se reconnaît un glaçon résistant. Nous en choisissons un petit, très épais, de glace bleue, ayant la forme d’un navire, il pourra par suite naviguer en mer sans se briser ; il est de plus garni de bords élevés qui nous protégeront contre les vagues ; en un point seulement ce bourrelet présente une solution de continuité ; par là en cas de besoin il sera facile de mettre les embarcations à l’eau. Aucun autre glaçon ne nous a offert une meilleure installation ; aussi, si le courant nous entraîne vers l’iskant, sommes-nous bien décidés à y rester jusqu’à la dernière extrémité. Bien entendu, avant de nous installer sur ce radeau, nous nous sommes assurés que nous y trouverions de l’eau. La plupart des glaçons sont parsemés de petites nappes d’eau alimentées par la fusion de la couche superficielle de neige ou de glace. Une fois notre marmite remplie, nous nous apercevons que cette eau est salée. Nous n’avions pas songé qu’à cette époque avancée de l’été, la neige a fondu sur presque tous les glaçons. Heureusement pour