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a travers le grönland.

la côte toute une troupe de femmes et de gamins presque nus, que nous croyons reconnaître pour des indigènes du cap Bille ! Ils nous ont, paraît-il, dépassés pendant que nous dormions. Ils ont installé là leur campement dans un joli petit coin couvert de verdure. Nous ne voyons qu’un seul homme occupé à réparer son kayak. Les autres sont sans doute à la chasse.

Interrogés sur la route que nous devons suivre, les indigènes nous invitent à prendre au large de l’île. Le chenal, expliquent-ils, est si étroit qu’on ne peut y passer. Ce renseignement est inexact, car l’expédition de Holm a, à plusieurs reprises, franchi ce détroit. Devant l’île, la glace est partout compacte ; pour la traverser, nous sommes obligés d’employer le pic et la hache.

Quelques instants après midi, nous atteignons la côte nord de l’île Uvdlorsiutit, où se trouve une grotte profonde.

Dans la soirée, au moment où nous doublons l’île Ausivit[1], sur la côte septentrionale du Tingmiarmiulfjord, nous entendons dans le lointain des aboiements de chiens.

Il y a donc par là des Eskimos. Mais nous n’avons pas de temps à perdre et nous continuons notre chemin. La nuit, nous campons sur un îlot voisin de Nunarsuak (62° 45’ de latitude nord et 41° 49’ de longitude ouest de Gr.).

Le lendemain (3 août), une fraîche brise souffle de terre. Voici l’occasion de naviguer à la voile. En quelques instants, un gréement est improvisé ; de la toile servant de plancher dans la lente on fait une misaine pour un canot ; pour l’autre embarcation on emploie deux prélarts cousus ensemble. Au début, poussés par ce bon vent, les canots filent rapidement. C’est pour nous un véritable plaisir de naviguer ainsi, mais cela dure peu. La brise bientôt tourne au nord, augmentant en même temps de force. Il faut amener la voilure et reprendre les avirons. Après avoir ramé pendant quelque temps, nous sommes arrêtés à la hauteur de l’île Umanarsuak par le vent, qui descend de la montagne en tourbillons si violents qu’à grand’peine nous pouvons empêcher les canots de dériver. La tempête augmente, et pour gagner du temps nous devons haler les embarcations

  1. Cette île est relativement basse. Son point culminant atteint à peine 500 mètres, d’après les observations de MM. Holm et Garde, Meddelelser om Grönland, ix.