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a travers le grönland.

afin de compléter notre approvisionnement. La chair des jeunes Larus glaucus est particulièrement délicate.

Nous étions enfin arrivés dans une région où presque partout l’escalade de l’inlandsis était facile. Un grand nombre de nunataks jaillissaient au-dessus du glacier. D’après les observations de la plupart des explorateurs, l’inlandsis serait particulièrement crevassée et accidentée dans le voisinage de ces pointements rocheux. À mon avis, cela n’arrive que dans les régions où le glacier est animé d’un mouvement d’écoulement rapide ; dans ce cas, la glace se soulève contre les rochers qui lui barrent le passage. Dans les autres localités les nunataks rendent au contraire la surface du glacier unie ; ils retardent son mouvement et par suite empêchent la formation des crevasses.

La mer paraissait libre jusqu’à Umivik d’où la distance à Kristianshaab est moindre, nous n’avions donc aucune raison pour commencer ici l’escalade.

À mesure que nous avançons vers le nord, la glace diminue, mais de tous côtés, des glaciers comme des isbergs, s’éboulent de gros glaçons.

Dans la soirée un accident faillit nous arriver. Nous étions au milieu d’isbergs, occupés à nous frayer un passage entre deux flaques de glace, lorsqu’un craquement formidable se fait entendre. Un gros bloc se détache d’un des isbergs, tombe sur le glaçon situé à bâbord, le brise, et par sa chute nous ouvre un passage. Quelques minutes de plus et le bloc s’abattait non pas sur le glaçon, mais dans notre canot ; c’était la troisième fois que semblable accident faillit nous arriver.

Nous dînons sur la petite île de Kekertarsualsiak, située à l’entrée du Krumpensfjord ; puis j’en gravis le sommet très élevé pour reconnaître la route vers le nord. La mer paraît complètement libre de glaces de mer à perte de vue dans la direction d’Umivik. En revanche elle est parsemée d’un grand nombre d’isbergs et déglaçons détachés des glaciers notamment à l’entrée du fjord de Gyldenlöve et devant les Kolberger Heide. Les hautes montagnes d’Umivik, notamment le Kiatak, reconnaissable à sa forme conique et qui marque le terme de notre navigation, lie paraissent plus maintenant très éloi-