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a travers le grönland.

moins douce nous paraît maintenant la vie. Ce fut, à coup sûr, la soirée la plus agréable que nous ayons passée sous la lente. Nous savions nos camarades en sécurité et nous avions l’espoir de voir arriver les embarcations d’une minute à l’autre. »

« Entre un aussi petit nombre d’hommes, jamais on ne vit pareille confusion de langues. Les uns parlaient norvégien, les autres lapon ou eskimo. A l’aide de gestes et de notre vocabulaire grönlandais, la conversation était relativement facile avec les indigènes. Nos deux nouveaux compagnons sont du reste très intelligents ; non seulement ils savent lire et écrire, mais encore ils dessinent très exactement. Les croquis des maisons de Gothaab et d’Umanak qu’ils firent devant nous étaient si précis, que plus tard nous reconnûmes facilement les habitations figurées par eux.

« Ce ne fut que très tard que nous songeâmes à prendre du repos. Kristiansen, Balto et moi nous nous installâmes dans un sac de couchage, Ravna et les deux Eskimos dans le second. Mais de longtemps nous ne pûmes fermer l’œil, car, à peine couchés, les deux Grönlandais commencèrent à chanter des psaumes. Ce concert spirituel fut terminé par la récitation d’une prière. »

Le lendemain Si las alla à la chasse au renne. Dietrichson aurait bien voulu l’accompagner, mais il resta avec ses compagnons pour transporter les bagages au delà de la pointe marquant l’extrémité de la grève.

Le journal de Dietrichson contient le passage suivant relatif à cette journée : « Pendant un de nos maigres repas sur l’inlandsis, nous avions tous formulé le souhait de manger de la bouillie au beurre ; Nansen nous avait alors promis de nous régaler de ce plat dès notre arrivée à Godthaab. Aussi, dans les provisions qui nous avaient été envoyées, se trouvait-il les ingrédients nécessaires à la préparation de ce plat, et le premier repas chaud que nous fîmes fut composé de la bouillie tant désirée. Je vous laisse à penser si nous en absorbâmes !

« Après ce repas, nous étions paresseusement couchés sur l’herbe, occupés à fumer, lorsque nous apercevons notre ami Silas au sommet d’un escarpement. Il porte sur le dos quelque chose de gros et de lourd. Serait-ce un renne ? Les uns disent oui, les autres non.